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Loi climat : 2050 ; temps trop long, temps trop court ?

Psychologie et transition ; chiens et chats :

Depuis des décennies, certains de nos raisonnements et schémas mentaux jouent contre la transition écologique.

Parmi ceux-ci :

  • Le principe du resquilleur (free rider): profiter des efforts des autres sans contribuer à la tâche commune.
  • Le biais de statu quo : préférer le statu quo et résister au changement (d’où l’émergence de la fonction d’accompagnateur du changement) ;
  • Les biais cognitifs (ou dissonances cognitives) : déformations de la réalité qui biaisent nos jugements, que nous pratiquons inconsciemment, notamment afin d’éviter de nous remettre en question ou constater que l’on a tort. Il s’agit d’une construction de l’esprit qui nous arrange à court terme, mais mène fatalement à des impasses.
  • Le principe d’actualisation, qui postule qu’une chose, comme une somme d’argent, n’a pas la même valeur dans le temps. Nous préférons recevoir 100.- CHF demain plutôt que 200.- dans un an ou deux, indépendamment de ce qui a trait à l’inflation.

Selon le Professeur de psychologie de l’université d’Harvard Daniel Gilbert, nous sommes paramétrés pour répondre aux menaces à court terme comme le terrorisme, mais pas aux menaces à long terme comme le réchauffement climatique.

La projection dans le temps réduit la valeur de l’objet projeté.

Notre cerveau privilégie ce qui est certain et immédiat, faisant de ce qui n’est pas immédiat un événement incertain, bien qu’il puisse être irrémédiable.

Jusqu’à récemment – mettons jusqu’aux feux de forêts d’Australie, ayant éveillé les consciences à travers le monde – les conséquences du réchauffement climatique étaient une abstraction.

Les gigantesques feux d’Australie (fin 2019 – début 2020) furent d’une telle intensité, qu’ils firent prendre conscience des impacts du réchauffement climatique bien au-delà de l’île-continent.

Une des façons efficaces que peuvent utiliser les consultants en responsabilité sociale d’entreprise pour accroître le succès de leur conduite du changement consiste à allouer les impacts néfastes des dérèglements planétaires localement – à Lausanne, Genève ou Zurich – et actuellement. En cela, les canicules que nous vivons vous aideront.

Rapprocher les problématiques stimule notre intérêt à agir.

Ce n’est pas une question d’égoïsme, du moins pas uniquement ; notre cerveau est paramétré pour la survie et s’intéresse aux menaces directes.

Nous déconsidérons ce qui se passera dans 20 ans, au point où le concept de Générations futures fut érigé en partie prenante au sein de nos analyses RSE et durabilité, de sorte qu’une entité – ainsi conscientisée – défende les intérêts non-pas de notre espèce, mais de l’avenir de celle-ci !

Toujours est-il que pour un cerveau humain, 2050; c’est loin, c’est abscons, c’est incertain… pour une fois le principe d’actualisation aura joué en faveur de la transition écologique !

Echéance 2050 ; le temps d’une génération :

Politiquement, afficher la date de 2050 était intelligent :

  • Nous sommes habitués aux échéances à 2030 ou 2040. Avoir du 2050 est pour ceux qui ont la charge du changement – entreprises en tête – une respiration, qui laisse le temps de l’adaptation.
  • Une échéance qui laisse respirer, certes, mais qui, accompagnée des dates intermédiaires 2030, 2040, voire 2025 (art. 3 al 3, 4 al 1, 10 al 2 et 4, 11 al 1 LCI), confère un cadre crédible pour implémenter le changement dans notre économie.
  • 2050, c’est aussi le temps d’une génération. Sachant que l’âge médian des votants Suisses est de 57 ans, en 2050 ; une personne sur deux ayant voté le 18 juin 2023 aura 84 ans et plus.

Or, en matière de transition et de gestion du changement, l’âge compte.

D’après notre méthodologie, l’avancement dans l’âge est le 6ème frein – toutes catégories confondues – ralentissant le changement, et le 2ème frein appartenant à notre catégorie “Personnes/psyché” (#SorryBoomers !).

Dès lors, avec un âge médian des votants Suisses de 57 ans, ceux qui se sont abstenus de dire non le 18 juin 2023 sont ceux qui ont une propension plus élevée à lutter contre le changement.

Une récolte incertaine ?

L’intelligence politique consistant à fixer des objectifs pour dans 25 ans a un prix à payer qui pourrait être nettement plus élevé que celui auquel nos entreprises et politiques ne s’attendent.

L’Union européenne à la même échéance, mais ses Etats membres ont commencé à courir au plus tard en 2016 !

Nous entamons tardivement cette course. Or, l’intensité que nous y mettrons ne permettra simplement pas de respecter les Accords de Paris. On pourrait s’en moquer puisqu’ils ne sont pas contraignants. Leur violation n’entraîne pas de sanction.

Cependant, ces accords ont pour but de contenir le réchauffement planétaire sous la barre des 2 degrés (impérativement), ou du 1,5 degré (si possible).

Alors que le réchauffement moyen mondial est à ce jour d’un degré déjà, celui de la Suisse arrive à 2 degrés. Sur ce paramètre, nous avons deux fois plus intérêt que la moyenne mondiale à agir.

Mais surtout :

La densité normative des régulations de l’Union européenne est nettement plus conséquente que celle d’une loi climat que nous n’avons pas même encore mise en œuvre.

Ce qui ne sera pas sans conséquences sur la compétitivité mondiale des entreprises suisses qui, bientôt, pourraient être inadaptées.

Echéance 2050 : bon pour faire passer une loi, sans doute pas pour la compétitivité des entreprises suisses.
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John Hartung

Consultant RSE & Durabilité en Entreprise