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Loi climat : durabilité et lenteur helvétique – la fin des entreprises suisses ?

La densité normative européenne est nettement plus conséquente que celle de la loi climat, que nous n’avons pas même encore mise en œuvre.

Alors que cet été, chaque jour, l’on peut observer des records de température dans le monde ; en Suisse, on n’a pas compris l’urgence de la situation planétaire et les conséquences de la transition écologique sur l’économie mondiale.

Qu’à cela ne tienne, d’autres marchés le font pour nous et gagneront les parts du marché mondial dont nous sommes, aujourd’hui encore, si fiers.

Ce qui fit notre force, fera-t-il notre faiblesse ?

La place gagnée par les entreprises suisse sur le podium de la compétitivité mondiale a créé un climat de certitudes dans le patronat suisse.

Depuis quand les certitudes stimulent-elles l’innovation et la remise en question ?

Les certitudes portent en elles le risque de se transformer en œillères, légitimées par nos biais cognitifs et visions malavisées de l’économie de 2030.

Ce qui peut détruire l’économie suisse n’est pas de financer sa transition et d’adapter ses modèles d’affaires, c’est de laisser ses concurrents des marchés mondiaux le faire avant elle.

La stratégie de l’Union en matière de transition écologique consiste à obliger les grandes entreprises (plus de 500 collaborateurs) à faire un reporting de leurs impacts profond et complet (art. 19bis de la Directive 2013/34).

  • Cette profondeur oblige les grosses structures à travailler sur leurs chaînes de valeur, qu’elle soit régionale ou internationale, couvrant ainsi un périmètre d’émissions qui va bien au-delà du périmètre appréhendé par la loi climat suisse et innovation (art. 19bis al 2 et 3 Directive UE).
  • La loi climat suisse impose uniquement la réduction des émissions (directes et indirectes) des entreprises suisses, et pas de celles de leurs fournisseurs (art. 5 al 1 LCI). Il s’agit des émissions des périmètres (scope) 1 et 2, ni de celles du scope 3, ni des émissions grises.
  • Sachant que les émissions grises font 50 % du bilan carbone de la Suisse et qu’elles sont en partie imputables à du scope 3 :

La loi climat fait travailler la Suisse sur 50 % de son poids carbone !

Or, en obligeant les grosses entreprises uniquement, l’UE transforme en réalité l’univers complet des entreprises européennes car :

  • ces grosses entreprises font vivre leurs prestataires B to B ;
  • or elles exigent de ces prestataires des reportings conformes et compatibles aux leurs, ainsi que des mesures de réduction de leurs bilans carbones.

Si Danone doit fournir des informations sur le bilan carbone de ses fournisseurs, ses fournisseurs font un bilan carbone. Punktschluss.

Certaines PME sont déjà obligées de faire des bilans carbones en France et dans les autres pays de l’UE ; alors qu’en Suisse, lorsque des cantons mettent en place des mesures pour offrir ou co-financer des diagnostics durabilité, ils peinent à trouver des organisations intéressées.

Si nos entreprises suisses ne s’adaptent pas, elles ne fourniront plus les entreprises européennes…et à terme leurs concurrents européens, qui se seront adaptés aux exigences de reporting extra-financier, prendront leurs parts de marchés sur l’échiquier mondial.

Il fallut beaucoup plus de Vista à un Marc Hayek pour prendre conscience qu’il fallait réagir à une pénétration de marché pour sauver l’horlogerie suisse, qu’il n’en faut aujourd’hui pour comprendre cette équation, me semble-t-il ?

Le risque, qui à mon sens a 80 % de chances de se réaliser, consiste à ce que nos entreprises suisses ne soient pas assez contraintes (légalement) de s’adapter et finisse par ne plus être compétitives.

Dans la mesure où le temps de l’adaptation est de quelques années, il sera trop tard pour réagir.

Et vous ? Qu’en pensez-vous ?

Les exigences de la transition écologique qui passent pour de la contrainte 
à court terme sont en réalité le plan de survie des entreprises suisses. 

Par effet ricochet, les entreprises européennesde toute taille s'adapteront 
pour répondre à la densité normative de l'Union.

Si les entreprises suisses ne dépassent pas les objectifs de la loi climat, 
à court/moyen terme elles ne seront plus compétitives.

 

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John Hartung

Consultant RSE & Durabilité en Entreprise